La réforme des retraites à la une des médias en France et à l’étranger

Sabine Colmart

International News Editor

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Quel a été le traitement de la réforme des retraites dans les médias depuis le début de l’année ?

En janvier, la mobilisation contre la réforme est restée à la une de l’actualité pendant 22 jours, selon nos données UBM*. En février, c’est le second grand sujet du mois après la guerre en Ukraine. Entre le 22 février et le 23 mars, le sujet a été mentionné plus de 140 000 fois dans la presse française. Et dans la même période, selon Digimind, le sujet a été cité 3 millions de fois sur les réseaux sociaux.

Nous vous proposons dans cette synthèse réalisée à partir d’une sélection de médias leader en France et à l’international un résumé des informations essentielles de cette séquence médiatique et politique particulièrement animée.

 

Une réforme controversée

Le 11 janvier, le gouvernement français a présenté son projet de réforme des retraites, dont l’une des mesures emblématiques est le report de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. Parallèlement, la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein va être portée à 43 ans. La Première ministre, Elisabeth Borne, a défendu un « choix politique essentiel » pour « préserver notre système de retraite par répartition » à la française. Mais d’après un sondage OpinionWay réalisé pour Les Echos en janvier, bien que 61% des Français estiment une réforme « nécessaire »,  seuls 35% pensent que celle proposée par le gouvernement Borne « sauvera le système » ; seuls 32% l’estiment « juste » ; et 37% « claire ».

Malgré la désapprobation de l’opinion, Elisabeth Borne a assumé de demander aux Français de travailler plus longtemps lors de la présentation du projet de réforme en conseil des ministres, le 23 janvier. Le gouvernement a fait valoir les effets de « justice » et de « progrès » de son projet, relève Le Monde.  S’en suit un pic à 1 399 UBM* le 2 février, généré par les discussions sur le projet de réforme et du passage de la Première ministre Élisabeth Borne dans l’émission L’Événement sur France 2. Le 5 février, dans le Journal du Dimanche, Elisabeth Borne a annoncé une adaptation du dispositif aux carrières longues. Cette mesure, qui s’annonce coûteuse, s’inscrit dans une série de concessions faites à l’opposition, dans le but de « trouver une majorité ». Mais elles sont de nature à rendre plus difficile le retour à l’équilibre financier visé pour 2030, selon Les Echos.

Un parcours parlementaire ponctué de journées de mobilisation

Le parcours parlementaire de la réforme a été ponctué d’une dizaine de journées nationales de mobilisation contre le projet, organisées par les syndicats et soutenues massivement par les Français.  Les grèves suscitent de nombreuses conversations sur les réseaux sociaux en France, avec plus d’1 million de mentions entre le 22 février et le 23 mars, selon Digimind.

Entre le 6 et le 17 février, des milliers d’amendements ont été déposés lors de l’examen du projet de loi en première lecture à l’Assemblée nationale. A l’issue de la période, l’article 7, prévoyant le passage de l’âge de départ à 64 ans, n’a même pas pu être voté. Libération évoque en Une un « grand fiasco » et inventorie « la pluralité des dégâts » de ces neufs jours.  Du 18 février au 11 mars, le Sénat a pris le relais pour examiner le texte, qui a été adopté par 195 voix contre 112. La majorité sénatoriale a notamment validé un amendement sur une surcote pour les mères de famille et un CDI pour les seniors. Le 15 mars, la commission mixte partitaire, composée de 7 sénateurs et 7 députés, a présenté une version définitive du texte. L’Express a dressé la liste des points clés de cette version finale.

La contestation se durcit après le 49.3  

Le 16 mars, lors du retour du texte final à l’Assemblée nationale, la Première ministre Elisabeth Borne a recouru à l’article 49.3 de la Constitution, permettant de faire passer une loi sans le vote des députés. Le camp présidentiel ne disposait alors que d’une majorité relative et malgré le soutien du groupe Les Républicains, n’était pas certain d’obtenir le nombre de voix nécessaires pour entériner le texte dans la dernière ligne droite. Immédiatement après cette annonce, des manifestions spontanées ont eu lieu dans les grandes villes du pays pendant plusieurs soirs, émaillées de confrontations avec les forces de l’ordre.

Le recours au 49.3 est l’épisode de la séquence médiatique le plus mentionné sur les médias sociaux en France depuis le début du mois de mars. Et ce même sur TikTok qui bénéficie de forts taux d’engagement témoignant de l’intérêt suscité par le sujet auprès de la génération Z.

Du côté de la presse internationale, le journal italien La Repubblica note que les députés de l’opposition ont entonné La Marseillaise dans l’Hémicycle au moment de la prise de parole de la Première ministre et que la séance a dû être suspendue. Le journal belge Le Soir prend acte que la majorité « passe en force » à l’Assemblée, « sous les huées des oppositions ». Pour le New York Times, « c’est une décision qui va certainement enflammer un peu plus le climat politique en France déjà lourd d’une confrontation tendue ». 

Le gouvernement reste sur sa ligne  

Suite à l’utilisation du 49.3, deux motions de censure ont été soumises au vote des députés le 20 mars. Toutes deux ont été rejetées – de justesse toutefois (à 9 voix près) pour la motion de censure transpartisane déposée par le groupe Liot. La réforme des retraites est donc adoptée. Sa mise en application se fera progressivement à compter du 1er septembre 2023. De son côté, l’opposition a saisi le Conseil Constitutionnel pour une analyse du texte, et va proposer un référendum d’initiative partagée (RIP) dans la perspective de suspendre l’application de la réforme.

Emmanuel Macron s’est exprimé le 22 mars à 13h sur TF1 et France 2. Inflexible, il réaffirme que le texte doit « poursuivre son chemin démocratique ». Il récuse le reproche d’une absence d’ouverture de l’exécutif. Selon lui, le texte a été « préparé par le Parlement, après des mois de concertations, il a donné lieu à 175 heures de débat ». Il confirme sa détermination à ce que le texte « entre en vigueur d’ici la fin de l’année ».

Les médias étrangers ont particulièrement commenté cette intervention présidentielle. Emmanuel Macron « défie » son pays en « ignorant sa colère », relève le journal italien La Repubblica. Dans la presse espagnole, El Pais note que le président français fait face à une protestation croissante après cette interview où il se contente d’invoquer « l’intérêt général » sans envisager de changer la composition de son gouvernement. The Economist estime qu’en dépit du caractère « avisé » de la réforme, son passage en force aura « un coût politique » pour la France. L’article souligne en outre la menace qui pèse encore d’une censure du Conseil constitutionnel. La chaîne américaine CNBC rend compte en images des « violents affrontements » qui ont eu lieu à Paris au lendemain de ces déclarations du chef de l’Etat. Au vu de l’intensité de la colère contre sa « présidence toute puissante », le Financial Times interroge : « La France prend-elle le chemin d’une VIe république », qui serait « moins autocratique » ?

Les médias russes [Journal de France Culture – 6e minute] relaient par ailleurs abondamment la protestation de la rue en France et ironisent sur l’application par Emmanuel Macron de « la démocratie à l’européenne » : sachant que les députés risquaient de bloquer sa réforme des retraites, il a appliqué une disposition constitutionnelle lui permettant de contourner les représentants élus par le peuple. Les déclarations de Marine Le Pen sur ce sujet ont été beaucoup reprises dans les médias russes. L’hebdomadaire Courrier International analyse d’ailleurs que, vu de l’étranger, la crise politique et institutionnelle française actuelle prend des allures de tapis rouge pour le Rassemblement national.

Le roi Charles III ajourne sa visite 

Hasard du calendrier, le roi Charles III devait venir en France du dimanche 26 au mercredi 29 mars pour y rencontrer Emmanuel Macron, avec au programme une parade sur les Champs-Elysées et un dîner au château de Versailles. Etant donné le contexte social en France, et notamment une nouvelle journée de manifestations prévue ce mardi 28 mars, l’Elysée et les Britanniques ont annoncé le report de cette visite au début de l’été. La nouvelle a fait la Une des médias britanniques. The Times s’effraie que « le chaos règne en France », avec la photo d’une rue parisienne recouverte d’ordures. Même genre d’illustration pour The Telegraph, signalant « des centaines d’arrestations en France, tandis que le mouvement de protestation nationale ne faiblit pas ». (Cf. également The Independent, The Guardian, Sky News…)

L’avis du Conseil constitutionnel attendu 

La prochaine étape sera la décision du Conseil constitutionnel et celle-ci n’aura rien d’une formalité. A l’issue de son examen, le Conseil aura en effet le pouvoir de censurer totalement ou partiellement cette réforme s’il le juge nécessaire. Il a encore trois semaines pour se prononcer.

 

 

*L’UBM, UN INDICATEUR UNIQUE

Référent depuis 2000, le baromètre UBM (pour Unité de Bruit Media) d’Onclusive mesure l’impact médiatique des thèmes d’actualité, des entreprises et des personnalités sur un panel de 120 sources. Il dispose d’un corpus représentatif des médias leaders en audience grand public en France, prenant en compte les supports les plus puissants de la presse papier et online et les tranches horaires TV Radio qui génèrent le plus de contacts. Il permet de mesurer l’intensité de la pression médiatique et de suivre ses évolutions au plus près du temps réel.

 

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