Mutations de l’information et des médias : les vidéos courtes et influenceurs plébiscités

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Saviez-vous qu’en France en 2024, contrairement au Royaume-Uni et aux États-Unis où les plateformes en ligne prédominent, la télévision demeure la principale source d’information, suivie par les médias en ligne ?

Cependant ces dernières années ont marqué un tournant significatif dans la manière dont nous accédons à l’information. Les rituels télévisuels et le journal de 20 heures sont de moins en moins la norme. Les plus jeunes regardent rarement la télévision en direct, s’ils en ont une. Les générations Z et, plus encore, les générations Alpha privilégient la consommation de médias à la carte, via des plateformes comme YouTube, TikTok ou Snapchat. Cela entraîne naturellement une relation différente avec l’information et les médias. Les jeunes se tournent davantage vers les influenceurs, les stars des réseaux sociaux et les célébrités pour s’informer. Le canal vidéo avec des formats courts est de plus en plus privilégié.

Comme chaque année, le Reuters Institute for the study of Journalism a scruté l’évolution de la consommation des médias à travers le monde pour nous dévoiler ses enseignements dans une nouvelle édition de son Digital News Report, paru le 17 juin. Basé sur une enquête réalisée dans 47 pays auprès de 95 000 personnes, ses conclusions sont sans détour. En voici les grandes lignes.

 

I. La consommation de l’information dans le Monde et l’usage des médias: les grandes tendances

 

A l’heure où près de la moitié de la population mondiale s’est rendue ou va se rendre aux urnes pour des élections nationales et régionales, parlementaires ou présidentielles , comprendre les modalités d’accès à une information de qualité (canaux, sources) est primordiale. Les médias d’informations doivent désormais faire face à une surpuissance des plateformes social media et des moteurs de recherche qui pour certains dévalorisent les contenus d’information et politiques, et pour d’autres se détournent des éditeurs de presse pour se tourner vers les créateurs de contenus en proposant des formats plus ludiques.

Chez Onclusive, nous sommes particulièrement attentifs à ces mutations dans les usages des médias et des réseaux sociaux pour accéder à l’information, dans la mesure où nos clients, professionnels de l’information, de la communication, des RP et du marketing utilisent les données médias collectée via nos outils de veille media, social listening et analyses d’impact médiatique.

 

C’est pourquoi nous vous proposons de découvrir quelques riches enseignements du 2024 Digital News Report.

 

A. Réseaux sociaux et médias participent désormais ensemble à la diffusion de l’information.

Plantons le décor avant de parcourir l’étude du Reuters Institute. Chaque individu à plus ou moins accès, selon son âge, à 2 types de canaux pour accéder à l’information: les plateformes sociales et les médias (print et digitaux). L’année 2024 est très riche en élections dans de nombreux pays, qu’elles soient prévues ou anticipées et en événements sportifs internationaux.  

Sur les médias sociaux, le volume de conversations consacrées à ces 2 types d’événements est énorme. On dépasse en effet systématiquement les 10 millions de mentions sur 3 mois quel que soit le type d’événement. Pour référence, depuis de nombreux mois, les flux d’actualités sont largement dominés par 2 affrontements majeurs: la guerre en Ukraine et le conflit Israël-Hamas dans la bande de Gaza. Ces sujets ont généré sur les 12 derniers mois respectivement 182 millions de mentions et 174 millions. Sur les 3 derniers mois, c’est 40M pour l’Ukraine et 30M pour Gaza. Ils supplantent donc les événements politiques et sportifs en couverture et intérêt de discussion mais aussi viennent interférer dans d’autres sujets:  

Ainsi, le conflit Israël Hamas et la guerre en Ukraine (et leurs importations locales dans certains pays) sont dans le top 5 des sujets les plus discutés à propos des élections américaines (dans un scrutin pourtant traditionnellement orienté vers la politique intérieure) mais aussi dans le top des sujets de discussions à propos des Jeux olympiques et les élections dans les pays Européens. 

Parallèlement, à un autre niveau, les discussions à propos des élections parlementaires françaises en juin et juillet et des General Election au Royaume Uni en juillet sont venues largement phagocyter les sujets de discussions à propos des Jeux de Paris 2024 mais aussi  de l’Euro de foot.

Comparaison de grands événements sur les médias sociaux : 10  avril 10 juillet  Evolution des mentions et parts de voix autour de 4 événements majeurs

 

Même type de phénomène dans les médias : 

La couverture média des élections surprises au UK et en France en mai puis en juin a supplanté la couverture, pourtant en forte croissance, des Jeux Olympiques. Seule la compétition de l’Euro de football a été plus couverte sur la période (à la différence des médias sociaux où elle ne domine pas face à la politique). Toutefois, les 5 et 8 juillet, les élections britanniques et françaises ont été davantage ou autant couvertes que la compétition européenne de football.

Ces grands événements, à l’heure des médias sociaux, de l’importation locale de mouvements de protestation à propos des conflits internationaux, sont de plus en plus interconnectés. Les sportifs et acteurs prennent positions à propos des élections, des événements culturels sont “perturbés” par des manifestations liées à la politique internationale (ex: des parades de la Pride month stoppées par des manifestations pro-palestinienne)  

Les citoyens consomment des flux d’information, en grand volume, qui ne sont plus isolés les uns des autres.  

Dans ces conditions d’extrême porosité entre politique et événements sociaux et culturels,  scruter, mesurer et comprendre le processus de diffusion de l’information mais aussi  la nature et la qualité des  sources et canaux qui vont véhiculer toutes ces données est essentiel. 

Comparaison de grands événements  dans les médias print et digitaux FR Evolution des mentions et parts de voix autour de 4 événements majeurs

 

B. Les enjeux de l’information et des médias en 2024: vidéos courtes, influenceurs, confiance, désinformation et IA

 

Ce que nous apprend le Rapport 2024 du Reuters Institute:

 

  1. Facebook continue sa chute, les usages se fragmentent entre plateformes

Dans de nombreux pays, notamment hors d’Europe et aux États-Unis, on observe une baisse significative de l’utilisation de Facebook pour s’informer et une dépendance croissante à toute une gamme d’alternatives, notamment les applications de messagerie  privée (WhatsApp) et les réseaux vidéo (YouTube, TikTok…). La consommation d’informations sur Facebook a diminué de 4 points, tous pays confondus, au cours de la dernière année et de 16 points depuis 2016.

L’utilisation des actualités sur les différentes plateformes en ligne continue sa fragmentation: six réseaux touchent désormais au moins 10 % des répondants, contre seulement deux (YouTube et Facebook) il y a dix ans. YouTube est utilisé chaque semaine par près d’un tiers (31%) des internautes dans tous les pays étudiés pour s’informer, WhatsApp par environ un cinquième (21 %), tandis que TikTok (13 %) a dépassé X-Twitter (10 %) pour la première fois. 

Sur le schéma suivant, sur une sélection de 12 pays suivis par Reuters Institute depuis 2024, apparaissent ces mêmes tendances d’évolution d’usage des plateformes pour accéder à l’actualité: 

Evolution des médias sociaux utilisés pour suivre l’actualité sur une sélection de pays : Royaume-Uni, USA, Allemagne, France, Espagne, Italie, Danemark, Finlande, Japon, Australie, Brésil et Irlande.  Proportion de personnes ayant utilisé chaque réseau pour s’informer au cours de la semaine écoulée (2014-2024)

 

Ce  graphique met également en évidence la forte évolution vers les réseaux basés sur la vidéo tels que YouTube, TikTok (et Instagram), qui ont tous trois gagné en importance pour accéder à l’information depuis la pandémie de COVID-19.

TikTok demeure le réseau le plus populaire auprès des jeunes et, bien que son utilisation globale soit similaire à celle de l’année dernière (26%), la proportion de personnes l’utilisant pour s’informer est passée à 13 % (+2) sur tous les marchés et à 23 % pour les 18-24 ans. Ce sont des moyennes qui cachent en fait une croissance rapide en Afrique, en Amérique latine et dans certaines régions d’Asie.

Proportion de personnes ayant utilisé TikTok pour s’informer au cours de la semaine

 

                 2. La montée en puissance de la vidéo pour s’informer

Compte tenu de la progression des plateformes de type TikTok et YouTube, la vidéo devient une source d’information en ligne de plus en plus importante, en particulier auprès des groupes les plus jeunes. Les vidéos d’actualité courtes sont consultées par les deux tiers (66%) de notre échantillon chaque semaine, les formats plus longs attirant environ la moitié (51%). Le principal lieu de consommation de vidéos d’actualité est les plateformes en ligne (72 %) plutôt que les sites Web des éditeurs (2 %), ce qui accroît les défis liés à la monétisation et à la connexion pour ces médias.

YouTube et Facebook restent les plateformes les plus importantes pour les vidéos d’actualité en ligne (voir le graphique suivant), mais l’étude observe des différences de marché significatives, Facebook étant le plus populaire pour les vidéos d’actualité aux Philippines, YouTube en Corée du Sud, X et TikTok jouant un rôle clé au Nigeria et en Indonésie respectivement. YouTube est également la première destination pour les moins de 25 ans, bien que TikTok et Instagram ne soient pas loin derrière.

Proportion  de personnes déclarant que chaque plateforme est leur principale plateforme vidéo d’information en ligne. Par tranche d’âge.

 

                 3. À qui les gens prêtent-ils attention? L’ère des sources alternatives et influenceurs d’actualité

Pour attirer l’attention sur Instagram, Snapchat et TikTok à côté des médias et journalistes, les sources et personnalités alternatives, notamment les influenceurs en ligne et les célébrités sont de plus en plus présents. On constate une attention croissante portée aux commentateurs partisans, aux influenceurs et aux jeunes créateurs d’actualités, en particulier sur YouTube et TikTok. Mais sur les réseaux sociaux tels que Facebook et X, les marques médias et les journalistes ont toujours tendance à jouer un rôle de premier plan.   

Proportion qui prête attention à ces sources d’information sur chaque réseau

 

Qui sont ces personnalités et ces célébrités et quelles sources alternatives attirent l’attention? 

L’étude Reuters a demandé aux répondants de chaque pays de citer des comptes alternatifs permettant de s’informer. Cela révèle qu’aux États-Unis, en particulier, on trouve un large éventail de voix partisanes politiques, dont Tucker Carlson, Alex Jones ( réintégré sur X), Ben Shapiro, Glenn Beck, mais il y a aussi une représentation significative de la gauche progressiste (David Pakman et les commentateurs de MeidasTouch)…. Ces voix viennent principalement de la droite, avec un discours autour d’une alternative « fiable » à ce qu’ils considèrent comme les médias grand public libéraux biaisés et comptes d’influenceurs.

En France, Hugo Travers, 27 ans, connu en ligne sous le nom d’Hugo Décrypte, est devenu une source d’information de premier plan pour les jeunes Français grâce à ses vidéos explicatives sur la politique (2,6 millions d’abonnés sur YouTube et 5,8 millions sur TikTok). 

Au Royaume-Uni, Politics Joe et TLDR News, créées par Jack Kelly, attirent l’attention avec des vidéos qui tentent de rendre les sujets sérieux accessibles aux jeunes.

Aux États-Unis, Vitus Spehar présente un tour d’horizon quotidien amusant de l’actualité, souvent depuis une position allongée sur le sol, @underthedesknews (une pique satirique au format télévisé classique).

Quelles Motivations pour utiliser la vidéo sociale ? 

Authenticité
Les personnes interrogées, dont beaucoup sont dans les audiences les plus jeunes, estiment que la nature relativement peu filtrée de la plupart des reportages les rend plus fiables et plus authentiques que dans les médias presse, TV et radio.

Commodité
Les gens parlent de la commodité d’avoir des informations qui vous sont servies sur une plateforme où vous passez déjà du temps, qui connaît vos intérêts et où « l’algorithme fournit des suggestions en fonction des visionnages précédents ».

Des perspectives différentes
Les plateformes de vidéo sociale sont appréciées pour les perspectives différentes qu’elles apportent. Pour certains, cela signifie une perspective partisane qui correspond à leurs intérêts, mais pour d’autres, cela signifie une plus grande profondeur autour d’une passion personnelle ou un éventail plus large de sujets à explorer.

Reuters Institute relève que très peu de personnes utilisent la vidéo en ligne uniquement pour s’informer chaque semaine – environ 4 % dans tous les pays selon nos données. La majorité utilise un mélange de texte, de vidéo et d’audio – et une combinaison de marques grand public qui peuvent ou non être complétées par des voix alternatives.

 

                 4. Dans quelle mesure les gens se sentent-ils capables d’identifier des informations fiables sur différentes plateformes en ligne ?

En cette année électorale cruciale, de nombreux internautes s’inquiètent de la fiabilité du contenu, de la possibilité de manipulation des plateformes en ligne par de « mauvais acteurs », de la manière dont s’expriment certains hommes politiques et personnalités des médias, et de la manière opaque dont les plateformes elles-mêmes sélectionnent et promeuvent le contenu. L’inquiétude face à la distinction entre le vrai et le faux dans les informations en ligne a augmenté de 3 points de pourcentage au cours de l’année dernière, avec environ six personnes sur dix (59%) qui se disent préoccupées. Ce chiffre est considérablement plus élevé en Afrique du Sud (81 %) et aux États-Unis (72 %), deux pays qui organisent des élections cette année. Les niveaux les plus faibles sont localisés dans une grande partie de l’Europe du Nord et de l’Ouest (par exemple, en Norvège 45 % et en Allemagne 42 %).

Les inquiétudes concernant la manière de distinguer les contenus dignes de confiance des contenus non dignes de confiance sur les plateformes en ligne sont plus élevées pour TikTok et X que pour les autres réseaux en ligne. Par exemple, les deux plateformes ont hébergé de la désinformation ou des théories du complot autour de faits tels que la guerre à Gaza et la santé de la princesse de Galles, ainsi que des photos et vidéos dites « deep fake ».

 Proportion estimant qu’il est difficile d’identifier des informations dignes de confiance sur ces plateformes

 

Plus d’un quart des utilisateurs de TikTok (27 %) déclarent avoir du mal à détecter les informations dignes de confiance, soit le score le plus élevé de tous les réseaux couverts par l’étude.

 

                 5. Les Craintes autour de l’IA et de la désinformation

L’étude Reuters explique qu’alors que les éditeurs d’actualités adoptent de plus en plus l’IA, on s’aperçoit que la manière dont elle pourrait être utilisée suscite une certaine méfiance, notamment pour les sujets d’actualité « dure », comme la politique ou la guerre. Les éditeurs sont plus à l’aise avec l’IA pour des tâches en back office, comme la transcription et la traduction, pour soutenir les journalistes.

Les personnes interrogées étaient généralement mal à l’aise avec l’utilisation de l’IA dans les situations où le contenu est principalement créé par l’IA avec une certaine supervision humaine. En revanche, elles sont globalement plus à l’aise que mal à l’aise lorsque l’IA est utilisée pour aider les journalistes (humains), par exemple pour retranscrire des interviews ou résumer des documents pour la recherche. 

Dans tous les pays, les niveaux de confiance sont plus élevés chez les groupes les plus jeunes, qui sont parmi les plus grands utilisateurs d’outils d’IA tels que ChatGPT ou Google Gemini.

L’étude indique également que les personnes qui ont tendance à faire confiance aux informations en général sont également plus susceptibles d’être à l’aise avec les utilisations de l’IA où les humains (les journalistes) gardent le contrôle, par rapport à celles qui ne le sont pas. L’étude constate des écarts de confort allant de 24 points de pourcentage aux États-Unis à 10 points de pourcentage au Mexique chez les personnes faisant confiance à l’information.

 

                 6. Les passerelles d’accès à l’actualité et l’importance des moteurs et agrégateurs

Bien que le mix des plateformes évolue, la majorité des sondés continuent d’identifier les plateformes telles que les réseaux sociaux (29%), les moteurs de recherche (25%)  ou les agrégateurs d’actualités (8%) comme leur principale passerelle vers l’actualité en ligne. Sur l’ensemble des marchés, seulement environ un cinquième des répondants (22 %) identifient les sites Web de news ou les applications d’actualités comme leur principale source d’actualités en ligne, soit une baisse de 10 points de pourcentage par rapport à 2018. Certains éditeurs en Europe du Nord ont cependant réussi à inverser cette tendance. Partout ailleurs, les groupes plus jeunes affichent un lien plus faible avec les marques d’actualités que par le passé. Ainsi, au Royaume-Uni par exemple, les 18-24 ans sont 25% à accéder aux actualités directement sur un site de news contre 51% des plus de 35 ans.

Proportion déclarant que ces sites sont leur principale porte d’entrée pour les informations en ligne. 2018-2024

 

L’étude note également le succès croissant des agrégateurs mobiles dans certains pays, dont beaucoup sont de plus en plus alimentés par l’IA. Aux États-Unis, News Break (9%), fondée par un vétéran chinois de la technologie, connaît une croissance rapide avec une part de marché similaire à celle du leader du marché Apple News (11%).

                 7. Une confiance dans l’information stable mais basse

Reuters Institute précise tout d’abord qu’Il n’existe pas de preuve que les élections ou la prévalence accrue de l’IA générative aient jusqu’à présent eu un impact matériel sur la confiance dans les informations.  

La confiance dans les médias (40% dans le monde) est restée stable au cours de l’année écoulée, mais elle reste globalement inférieure de quatre points à ce qu’elle était au plus fort de la pandémie de coronavirus. La Finlande reste le pays où le niveau de confiance globale est le plus élevé (69%), tandis que la Grèce (23%) et la Hongrie (23%) ont les niveaux les plus bas, en raison des inquiétudes concernant l’influence indue des politiques et des entreprises sur les médias. Les faibles scores de confiance dans certains autres pays comme les États-Unis (32 %), l’Argentine (30%) et la France (31%) peuvent être en partie liés à des niveaux élevés de polarisation et à des débats conflictuels sur la politique et la culture.

Les facteurs clés qui influencent la confiance ou le manque de confiance dans les médias d’information.

L’étude constate que des normes élevées, une approche transparente, l’absence de parti pris et l’équité en termes de représentation médiatique sont les quatre principaux facteurs qui influencent la confiance.

 

                 8. Perte d’attention, évitement des actualités et fatigue médiatique 

Les élections un peu partout dans le monde ont accru l’intérêt pour l’actualité dans quelques pays, dont les États-Unis (+3), mais la tendance générale reste à la baisse. En Argentine, par exemple, l’intérêt pour l’actualité est passé de 77 % en 2017 à 45 % aujourd’hui. Au Royaume-Uni, l’intérêt pour l’actualité a presque diminué de moitié depuis 2015. Dans les deux pays, ce changement se reflète par un déclin similaire de l’intérêt pour la politique.

Parallèlement, l’étude du Reuters Institute constate une augmentation de l’évitement sélectif de l’information. Environ quatre personnes sur dix (39 %) déclarent désormais éviter parfois ou souvent l’information – soit une augmentation de 3 points de pourcentage par rapport à la moyenne de l’année dernière – avec des augmentations plus importantes au Brésil, en Espagne, en Allemagne et en Finlande. Les commentaires ouverts suggèrent que les conflits qui durent en Ukraine et au Moyen-Orient pourraient avoir eu un certain impact. 

Sur tous les marchés, la même proportion, environ quatre personnes sur dix (39%), déclarent se sentir « épuisées » par la quantité d’informations ces jours-ci, contre 28 % en 2019, mentionnant fréquemment la façon dont la couverture des guerres, des catastrophes et de la politique évinçait d’autres sujets.

Proportion de personnes qui se sentent épuisées par la quantité d’informations

 

                 9. Besoins des utilisateurs et lacunes en matière d’information

En étudiant les besoins des utilisateurs en matière d’actualités, les données du Digital New Report 2024 suggèrent que les éditeurs se concentrent peut-être trop sur la mise à jour des principaux sujets d’actualité et ne consacrent pas suffisamment de temps à proposer des points de vue différents sur des problèmes ou à rapporter des sujets susceptibles de fournir une base d’optimisme occasionnel. En termes de sujets, l’étude montre que les publics se sentent généralement bien servis par les informations politiques et sportives, mais il existe des lacunes en ce qui concerne les informations locales dans certains pays, ainsi que les informations sur la santé et l’éducation.

Les résultats montrent aussi que les trois besoins les plus importants des utilisateurs d’informations à l’échelle mondiale sont de se tenir au courant (« mettez-moi à jour »), d’en apprendre davantage (« éduquez-moi ») et d’acquérir des points de vue variés (« donnez-moi une perspective »). Ce constat est assez cohérent dans les différents groupes démographiques, même si les jeunes sont un peu plus intéressés par les histoires qui inspirent, connectent et divertissent que les groupes plus âgés.

 

                 10. Les types de sujets qui intéressent selon les âges et le genre

Selon l’étude Reuters, l’adoption d’un modèle des besoins des utilisateurs est une façon de résoudre certains des problèmes qui se cachent derrière l’évitement sélectif des informations et le faible engagement, mais une approche thématique peut également être utile.

Pour toutes les tranches d’âge, les informations locales et internationales sont considérées comme les sujets les plus importants, mais il y a moins de consensus autour de l’actualité politique. Celle-ci ne figure pas dans le top 5 pour les moins de 35 ans, mais c’est très différent pour les plus de 45 ans, où la politique reste fermement dans le top 3. Les groupes plus jeunes s’intéressent davantage à l’environnement et au changement climatique, ainsi qu’à d’autres sujets tels que le bien-être, qui sont moins prioritaires pour les groupes plus âgés. 

Les écarts sont encore plus importants en ce qui concerne le sexe : Les hommes s’intéressent davantage à la politique et au sport, tandis que les femmes s’intéressent davantage à la santé, au bien-être et à l’environnement.

Proportion se déclarant intéressée par chaque sujet d’actualité, par tranche d’âge et par sexe

 

                 11. Le podcast stagne

Les podcasts continuent d’attirer un public plus jeune, plus riche et plus instruit, les émissions d’actualité et de politique étant largement majoritairement masculines, en partie en raison de la prédominance des animateurs masculins. 

Le podcasting d’actualité reste un secteur prometteur pour les éditeurs, attirant un public plus jeune et plus instruit, mais il s’agit d’une activité minoritaire dans l’ensemble. Dans un ensemble de 20 pays, un peu plus d’un tiers (35 %) accèdent à un podcast chaque mois, et 13 % à une émission portant sur l’actualité et les affaires courantes. Mais là aussi, la plupart des podcasts les plus populaires sont désormais filmés et distribués via des plateformes vidéo telles que YouTube et TikTok. La part d’écoute des podcasts d’informations est restée à peu près la même qu’il y a sept ans.

 

II. L’usage de l’information et des médias : Focus sur la France

Les spécialistes du rapport Reuters Institute remarquent que la concentration des médias en France en 2024 ravive des inquiétudes et débats sur le pluralisme et l’indépendance.

  • Rachat de médias par des industriels: La concentration de la propriété des médias par des patrons de grands groupes industriels soulève des questions sur l’indépendance et le pluralisme de l’information. Des exemples incluent le rachat de BFMTV par Rodolphe Saadé et du JDD par Vincent Bolloré.
  • Grève au Journal du Dimanche: Les journalistes du JDD ont mené une grève de 40 jours contre la nomination d’un rédacteur en chef d’extrême droite par Bolloré, craignant une transformation du journal en outil de propagande.
  • Rôle des journalistes dans la nomination des rédacteurs en chef: Le débat sur le pouvoir des journalistes d’approuver la nomination des rédacteurs en chef est au cœur des États généraux de l’information lancés par le président Macron.
  • « Droit d’accord » des journalistes: Certains journaux, comme Les Echos, accordent aux journalistes un « droit d’accord » sur la nomination du rédacteur en chef. L’extension de ce droit à toutes les rédactions est discutée.
  • Relations tendues avec les plateformes: Les relations entre les éditeurs français et les plateformes comme Google sont marquées par des désaccords et des amendes.
  • Utilisation de l’IA par les médias: Le Monde a signé un accord avec OpenAI pour permettre aux utilisateurs de ChatGPT d’accéder à ses contenus et utilise l’IA pour la traduction d’articles.

Reach hebdomadaire offline. TV, RADIO, PRINT     Reach hebdomadaire  Online en France

  • Paiement de l’information en ligne: La France est une exception en ce qui concerne le nombre d’abonnements aux médias en ligne (deux en moyenne par abonné ce qui n’est le cas que dans quelques autres pays de l’enquête, comme les États-Unis). Le Monde, Le Figaro et Mediapart sont les principaux bénéficiaires. Le Monde compte 527 000 abonnés numériques, Le Figaro 227 000 et Mediapart, né en ligne, 220 000 abonnés.
  • Succès des voix alternatives: Des influenceurs comme Hugo Travers, connu sous le nom de Hugo Decrypte, gagnent en popularité et obtiennent une reconnaissance officielle en tant que journalistes. Les explications de Hugo Decrypte sur YouTube destinées aux jeunes publics sont très populaires, à tel point que le président Macron a choisi de se laisser interviewer par lui.

 

Sources pour s’informer  2013-2024 – Top médias sociaux, messaging et plateformes vidéo en France

 

La presse papier est en déclin sur le long terme, incitant les médias historiques à explorer de nouvelles sources de revenus numériques.

En revanche, contrairement au Royaume Uni ou aux USA où le online domine, la télévision reste en France la source d’information la plus utilisée aux côtés des médias en ligne.